La Mort et l’Éternel, lecture d’ Eckhart Tolle

Eckhart Tolle est un formidable enseignant, proposant à travers ses écrits d’accéder à une voie spirituelle riche, essentielle, universelle, mature. Ce texte, La Mort et l’Éternel, écrit et lu par Eckhart Tolle lui-même dans la vidéo disponible ci-dessous dans sa version originale en Anglais, soutenu par un court-métrage inspirant, nous aide à nous rappeler que la vie est changement, que la forme, y compris notre forme humaine et toutes les histoires que nous y attachons, est fluctuante. Qu’est-ce que la mort? Que pouvons-nous apprendre de la mort? Écoutez, regardez, observez… Les leçons sont dans les silences. 

Une traduction française écrite est proposée dans cet article sous la vidéo. 

La Mort et l’Éternel, texte lu et écrit par Eckhart Tolle

« Lorsque vous marchez dans une forêt qui n’a pas été modifiée ou dans laquelle l’homme n’a pas interféré, vous verrez non seulement de la vie abandonnée tout autour de vous, mais vous rencontrerez aussi des arbres à terre et des plantes en décomposition, des feuilles pourrissantes et de la matière en déclin à chaque pas. Où que vous posez vos yeux, vous verrez la vie autant que la mort. En y regardant de plus près cependant, vous découvrirez que les troncs d’arbres en décomposition et les feuilles pourrissantes, ne donnent pas seulement naissance à de la vie nouvelle, mais sont eux-mêmes pleins de vie. Les micro-organismes travaillent, les molécules se ré-arrangent, la mort ne se trouve nulle part, la métamorphose de la force de vie est là, toujours. Que pouvez-vous apprendre de cela? La mort n’est pas l’opposé de la vie. La vie n’a pas d’opposé. L’opposé de la mort est la naissance. La vie est éternelle. 

Les sages et les poètes de par le monde ont reconnu la qualité onirique de l’existence. D’apparence si solide et réelle, et néanmoins si fugitive qu’elle peut se dissoudre à tout moment. À l’heure de votre mort, l’histoire de votre vie peut tout à fait vous apparaître comme un rêve, cependant même dans un rêve il doit y avoir un fond qui est réel. Il doit y avoir une conscience dans laquelle le rêve se déroule. Autrement il ne serait pas. Cette conscience, le corps la crée-t’elle? Ou la conscience crée-t’elle le rêve du corps? Le rêve d’un quelqu’un? Pourquoi la plupart de ceux qui ont connu une expérience de mort imminente n’ont-ils plus peur de la mort? Réfléchissez à ceci.  

Bien sûr vous savez que vous allez mourir, mais ceci reste un simple concept mental jusqu’à ce que vous rencontriez la mort en personne pour la première fois, à travers une maladie grave, ou un accident qui vous arrive à vous ou à une personne qui vous est proche, ou avec le décès d’une personne aimée, la mort entre dans votre vie en tant que conscience de votre propre mortalité. La plupart des gens s’en détournent par peur, mais si vous ne l’évitez pas et que vous faîtes face au fait que votre corps est éphémère, et pourrait se dissoudre à tout moment, il arrive un niveau de désidentification, même léger, de votre propre forme physique et psychologique, le Moi. Lorsque vous voyez et acceptez la nature impermanente de toute forme de vie, un étrange sentiment de paix vous arrive. À travers l’expérience de la mort, votre conscience se libère dans une certaine mesure de l’identification à la forme. Voilà pourquoi dans certaines traditions bouddhistes, les moines visitent régulièrement la morgue pour s’asseoir et méditer parmi les corps morts. Il y a encore un déni de la mort très répandu dans la culture occidentale, même les personnes âgées essaient de ne pas en parler ou d’y penser, et les cadavres sont cachés. Une culture qui dénie la mort devient inévitablement creuse et superficielle, soucieuse seulement de la forme extérieure des choses. Avec le déni de la mort, la vie perd de sa profondeur, la possibilité de se connaître au-delà du nom et de la forme, la dimension de transcendance disparaît de nos vies, parce que la mort est bien l’entrée vers cette dimension.

Les gens ont tendance à être incommodés par les fins, parce que chaque fin est une petite mort. C’est pourquoi dans bien des langages, le mot pour « au revoir » veut dire « on se voit bientôt ». Chaque fois qu’une expérience se termine, les retrouvailles d’amis, des congés, vos enfants quittant le foyer, vous mourrez d’une petite mort. Une forme qui apparaissait dans votre conscience, tout comme cette expérience, se dissout. Souvent ceci laisse une sentiment de vide que la plupart des gens essaient au maximum de ne pas sentir, de ne pas faire face. Si vous pouvez apprendre à accepter et même accueillir les fins dans votre vie, vous trouverez que la sensation de vide qui était initialement ressentie comme inconfortable, se transforme en un sentiment de grâce intérieure profondément apaisant. En apprenant à mourir chaque jour ainsi, vous vous ouvrez à la vie. 

La plupart des gens trouvent dans leur identité, le sentiment de Soi, quelque chose d’incroyablement précieux qu’ils ne veulent pas perdre. C’est pourquoi ils ont tant peur de la mort. Cela semble inimaginable et effrayant que Je finisse d’exister, mais vous confondez ce précieux Je avec votre nom et votre forme, et l’histoire qui leur sont associés. Ce Je n’est rien de plus qu’une formation temporaire dans le théâtre de la conscience. Tant que cette forme-identité est tout ce que vous connaissez, vous ne pouvez voir que cette préciosité est votre propre essence, votre plus intime sentiment de Je suis. C’est l’Éternel en vous. Et c’est la seule chose que vous ne pouvez perdre. 

Quelque soit la perte profonde qui peut arriver dans votre vie, telle que la perte d’une possession, de votre foyer, d’un être proche, ou la perte de votre réputation, d’un travail, de capacités physiques, quelque chose en vous meurt. Vous vous sentez diminué dans le sentiment de Qui vous êtes. Il peut aussi y avoir un certain égarement : sans ceci, qui suis-je? Lorsqu’une forme avec laquelle vous vous étiez inconsciemment identifiée comme une part de vous-même s’en va ou se dissout, ce peut être extrêmement douloureux. Cela laisse un trou pour ainsi dire, dans la trame de votre existence. Lorsque ceci arrive, ne déniez ou n’ignorez pas la douleur ou la tristesse que vous ressentez. Acceptez qu’elle est là. Soyez conscient de la tendance de votre esprit à construire une histoire autour de cette perte, dans laquelle vous vous assignez un rôle de victime. La peur, la colère, le ressentiment ou l’apitoiement sur vous-même sont les émotions qui accompagnent ce rôle. Puis devenez conscients de ce qui se tapie derrière ces émotions, autant que derrière ces histoires artificielles, ce trou, cet espace vide. Pouvez-vous faire face à cette étrange sentiment de vide? Et si oui, vous pourriez découvrir que cet espace n’est plus à craindre. Vous pourriez être surpris de la paix qui en émane. Lorsque la mort arrive, lorsqu’une vie se dissout, Dieu, le Sans-forme et le Non-manifesté, brille à travers l’ouverture laissée par la forme en dissolution. Voilà pourquoi ce qui est le plus sacré dans la Vie est la Mort. Voilà pourquoi la paix de Dieu peut venir à vous à travers la contemplation et l’acceptation de la Mort. 

Comme chaque année paraît courte quand passée, comme nos vies sont brèves. Y’a-t’il quoi que ce soit qui ne soit pas soumis à la Naissance et à la Mort? Quoi que ce soit d’Éternel? Considérez ceci : s’il n’y avait qu’une seule couleur, disons le bleu, et que le monde entier et tout en lui était bleu, alors il n’y aurait pas de bleu. Il y a besoin de quelque chose de non-bleu afin que le bleu puisse être reconnu. Sinon il ne ressortirait pas, il n’existerait pas. De la même façon, n’y-a t’il pas nécessité de quelque chose de non-bref et de non-impermanent, pour que la brièveté de toutes choses nous apparaisse? En d’autres mots, si tout, vous inclus, étiez impermanents, le sauriez-vous? Est-ce que le fait que vous soyez conscient et puissiez assister à la nature courte de la vie de toutes formes, vous-même inclus, ne signifie pas qu’une part de vous est non-sujette au déclin? Lorsque vous avez vingt ans, vous savez que votre corps est fort et vigoureux. Soixante ans plus tard, vous savez que vous corps est affaibli et vieux. Vos idées aussi peuvent avoir changées de celles que vous aviez à vingt ans. Mais la conscience que votre corps est jeune ou vieux ou que votre pensée a changé, n’a subi aucun changement. Cette Connaissance est l’Éternel en vous, la Conscience elle-même. C’est la Vie Sans forme. Pouvez-vous la perdre? Non. Parce que Vous Êtes Elle.  

Certaines personnes deviennent profondément apaisés et lumineux juste avant leur mort, comme si quelque chose brillait à travers leur forme en dissolution. Parfois des personnes très malades ou âgées deviennent presque transparents pour ainsi dire, dans les dernières semaines, mois, ou voire années de leurs vies. Alors qu’ils vous regardent, vous pouvez voir de la lumière briller à travers leurs yeux. Il n’y a plus de souffrance psychologique. Ils ont renoncé, et donc leur personne, ce Moi égotiste et artificiel, s’est déjà dissout. Ils sont morts avant d’être morts, et ont trouvé la profonde paix intérieure qu’est la réalisation du non-mortel en eux-mêmes. 

Avec chaque accident ou désastre il y a une dimension de rédemption potentielle dont nous sommes généralement inconscients. L’énorme choc de la mort inattendue et imminente peut avoir l’effet de pousser votre conscience complètement hors de l’identification avec la forme. Dans les derniers moments avant la mort physique, alors que vous mourrez, c’est une expérience de vous-même en tant que conscience libre de forme. Soudain il n’y a plus de peur, juste de la paix et la certitude que tout est bien, et que la mort n’est que la dissolution d’une forme. Alors la Mort est reconnue comme illusoire au bout du compte, aussi illusoire que la forme avec laquelle vous vous étiez identifié. 

La Mort n’est pas une anomalie, ou le plus terrible des évènements comme notre culture moderne peut nous avoir fait croire, mais la chose la plus naturelle au monde, inséparable et toute aussi naturelle que son autre polarité, la Naissance. Rappelez-vous de ceci lorsque vous vous asseyez auprès d’une personne mourante. C’est un grand privilège et un acte sacré d’être présent à la mort d’une personne en tant que témoin et compagnon.  Lorsque vous vous asseyez avec une personne mourante, ne déniez aucun aspect de cette expérience, ne déniez pas ce qu’il se passe, et ne déniez pas vos ressentis. La reconnaissance qu’il n’y a rien que vous puissiez faire peut vous faire sentir impuissant, triste ou en colère. Acceptez ce que vous ressentez. Puis allez un pas plus loin. Acceptez qu’il n’y a rien que vous puissiez faire, et acceptez-le entièrement. Vous n’avez pas le contrôle. Abandonnez-vous profondément à tous les aspects de cette expérience. Vos ressentis, tout comme toute douleur et inconfort que la personne mourante peut expérimenter. Votre état de renoncement conscient et le calme qui l’accompagne peut grandement assister la personne en train de trépasser et faciliter sa transition. Si des mots sont demandés, ils viendront du silence en vous, mais ils seront secondaires. Avec la tranquillité, vient la bénédiction, la Paix. »

Traduction française – Julie Clément // Texte original retranscrit ci-dessous

La Mort et l’Éternel, texte lu et écrit par Eckhart Tolle

TEXTE ORIGINAL (EN ANGLAIS) D’ECKHART TOLLE

« When you walk through a forest which has not been changed or interfered with by men, you will see not only abandoned life all around you, but you will also encounter falling trees and decaying plants, rotting leaves and decomposing matter at every step. Wherever you look, you will find life as well as death. Upon closest look however, you will discover that decomposing tree trunks and rotting leaves, not only gives birth to new life, but are full of life themselves. Micro-organisms are at work, molecules are rearranging themselves, so death isn’t to be found anywhere, there is always the metamorphosis of life force. What can you learn from this ? Death is not the opposite of life. Life has no opposite. The opposite of death is birth. Life is eternal. 

Sages and poets throughout the ages have recognized the dreamlike quality of the existence. Seemingly so solid and real, and yet so fleeting that it could dissolve at any moment. At the hour of your death, the story of your life may indeed appear to you like a dream, yet even a dream there must be an essence that is real. There must be a consciousness in which the dream happens. Otherwise it would not be. That consciousness, does the body create it? Or does consciousness create the dream of body? The dream of some-body? Why did most of those who went into a near-death experience lose their fear of death? Reflect upon this. 

Of course you know you are going to die, but that remains a mear mental concept until you meet death in person for the first time, through a serious illness, or accident that happens to you or someone close to you, or through the passing away of a loved one, death enters your life as the awareness of your own mortality. Most people turn away from it in fear, but if you do not flinch and face the fact that your body is fleeting, and could dissolve at any moment, there’s some degree of disidentification, however slight, from your own physical and psychological form, the Me. When you see and accept the impermanent nature of all life forms, a strange sens of peace comes upon you. Through facing death, your consciousness is free to some extent from identification with form. This is why is some buddhist tradition, the monks regularly visit the morgue to sit and meditate among the dead bodies. There’s still a widespread denial of death in the western culture, even old people try not to speak or think about it, and dead bodies are hidden away. A culture that denies death inevitably becomes shallow and superficial, concerned only with the external form of things. When death is denied, life loses its depths, the possibility of knowing who we are beyond name and form, the dimension of the transcendant disappears from our lives, because Death is the opening into that dimension.

People tend to be uncomfortable with endings, because every ending is a little death. That’s why in many languages, the word for « goodbye » means « see you again ». Whenever an experience comes to an end, the gathering of friends, a vacation, your children leaving home, you die a little death. A form that appeared in your consciousness, as that experience, dissolves. Often this leaves behind a feeling of emptiness that most people try hard not to feel, not to face. If you can learn to accept and even welcome the endings in your life, you may find that the feeling of emptiness that initially felt uncomfortable, turns into a sense of inner graciousness that is deeply peaceful. By learning to die daily in this way, you open yourself to life. 

Most people feel their identity, a sense of self, is something incredibly precious that they don’t want to lose. That is why they have so much fear of death. It seems unimaginable and frightening that I cease to exist. But you confuse that precious I with your name and form and the story associated with it. That I is no more than a temporary formation in the theater of consciousness. As long as that form identity is all you know, you are not aware that this precious preciousness is your own essence, you innermost sense of « I am », which is consciousness itself. It is the Eternal in you. And that’s the only thing you cannot lose. 

Whenever any kind of deep loss occurs in your life, such as loss of possession, your home, a close relationship, or loss of your reputation, job, or physical abilities, something inside you dies. You feel diminished in your sense of who you are. There may be also a certain disorientation : without this, who am I? When a form that you had unconsciously identified with as part of yourself leaves you or dissolves, that can be extremely painful. It leaves a hole, so to speak, in the fabric of your existence. When this happens, don’t deny or ignore the pain or the sadness that you feel. Accept that it is there. Be aware of your mind’s tendency to construct a story around that loss in which You are assigned a role of victim. Fear, anger, resentment or self-pity are the emotions that go with that role. Then become aware of what lies behind those emotions, as well as behind the man-made story, that hole, that empty space. Can you face and accept that strange sense of emptiness? If you do, you may find that it is no longer a fearful place. You may be surprised to find peace emanating from it. Whenever death occurs, whenever a life form dissolves, God, the formless and unmanifested, shines through the opening left but the dissolving forms. That is why the most sacred thing in Life is Death. That is why the peace of God can come to you through the contemplation and acceptance of Death. 

How short-lived every human experience is, how fleeting our lives! Is there anything that is not subject to birth and death? Anything that is eternal? Consider this : if there were only one color, let us say blue, and the entire world and everything in it were blue, then there would be no blue. There needs to be something that is not blue so that blue can be recognized. Otherwise it would not stand out, would not exist. In the same way, does it not require something that is not fleeting and impermanent, for the fleetingness of all things to be recognized? In other words, if everything, including yourself, were impermanent, would you even know it? Does the fact that you are aware of and can witness the short lived nature of all forms, including your own, not mean that there is something in you that is not subject to decay? When you are twenty, you are aware of your body to be strong and vigorous. Sixty years later, you are aware of your body as weakened and old. Your thinking too may have changed from when you were twenty. But the awareness that knows that your body is young or old or that your thinking has changed, has undergone no change. That awareness is the Eternal in you, Consciousness itself. It is the Formless One Life. Can you lose it ? No. Because You Are It. 

Some people become deeply peaceful and almost luminous just before they die, as it something shining through the dissolving form. Sometimes it happens that very ill or old people become almost transparent so to speak, in the last few weeks, months or even years of their lives. As they look at you, you may see a light shining through their eyes. There’s no psychological suffering left. They have surrendered, and so the person, the man-made egoïc Me, has already dissolve. They have died before they died, and found the deep inner peace that is the realization of the deathless within themselves. 

To every accident and disaster there is a potentially redemptive dimension that we are usually unaware of. The tremendous shock of totally unexpected imminent death can have the effect of forcing your consciousness completely out of identification with form. In the last few moments before physical death, and as you die, is an experience your self as consciousness free of form. Suddenly, there is no more fear, just peace and in-knowing that all is well, and that death is only a form dissolving. Death is then recognized as ultimately illusory, as illusory as the form you had identified with as Yourself. 

Death is not an anomaly, or the most dreadful of all events as modern culture would have you believed, but the most natural thing in the world, inseparable from and just as natural as its other polarity, Birth. Remind yourself of this when you sit with a dying person. It is a great privilege and a sacred act to be present at a person’s death as a witness and companion. When you sit with a dying person, do not deny any aspect of that experience, do not deny what is happening, and do not deny your feelings. The recognition that there’s nothing you can do may make you feel helpless, sad or angry. Accept what you feel. Then go one step further. Accept that there’s nothing you can do, and accept it completely. You are not in control. Deeply surrender to every aspect of that experience. Your feelings, as well as any pain and discomfort the dying person may be experiencing. Your surrendered state of consciousness and the stillness that comes with it can greatly assist the passing person and ease the transition. If words are called for, they will come out of the stillness within you, but they will be secondary. With the stillness comes the benediction, Peace. « 

Solstice d’hiver

« Nous approchons du seuil de l’hiver. 

La vie est tirée dans le sol, descendant avec indolence dans le coeur d’elle-même. 

Et nous humains animaux naturels sommes appelés à faire de même, l’appel à descendre dans nos corps, dans le sommeil, l’obscurité et les profondeurs de nos propres caves nous entraînant immuablement dans notre moelle.

Mais beaucoup trouvent la descente dans leur propre corps effrayante, craignant les émotions ignorées et les évènements passés qu’ils ont remisées dans un coin sombre d’eux-mêmes, ne voulant pas faire face à ce qu’ils ont soigneusement et durement évités.

L’époque du solstice d’hiver n’est plus célébrée comme elle l’a été, avec la compréhension que cette période de descente dans sa propre noirceur est absolument nécessaire à trouver sa lumière. Cette liberté authentique naît d’accepter grâce au pardon et à l’amour ce par quoi nous sommes passés, et à vaincre l’entrave que le passé a sur nous, rapportant à la surface les trésors précieux de nos cavités les plus noires. 

C’est un temps de repos et de réflexion profonde, un temps pour essuyer l’ardoise et effacer l’ancien afin de pouvoir marcher vers le printemps, prêts à grandir et à sauter sans une montagne poussiéreuse sur le dos et des chaînes autour des chevilles nous attachant aux caves de notre âme. Un temps pour la médecine de l’histoire, du feu, de la nourriture et de l’amour.

Une période de reconnection, de ré-apprentissage et de retrouvailles avec ce que cette saison signifie, l’hiver comme un temps de douceur, d’amour, de renaissance, de paix, et d’allègement, plutôt qu’un temps redouté, déprimant et à éviter. 

La culture moderne enseigne l’évitement au maximum à cette période : alcool, lumières, shopping, surmenage, dépenses inconsidérées, mauvaise nourriture et consumérisme.

Et cependant l’appel à rentrer en soi est si puissant pour quasi toutes les créatures que beaucoup de personnes ont l’impression que quelque chose ne va pas chez eux, que l’hiver est cruel et les laisse avec des sentiments d’abandon et de peur. Alors même que l’hiver est si doux, qu’il nous invite avec patience et calme à rentrer en nous, vers l’obscurité et la mort potentielle de ce que nous étions. Cette traversée, menée avec attention, est essentielle. 

Elle est comme un puissant enseignant qui nous demande d’éveiller notre Ancien ou thérapeute intérieur, nous soutenant avec l’appui du pardon et nous permettant de faire nos deuils, de pleurer, d’enrager, de rire, et de faire face à ce dont nous avons besoin pour nous libérer des liens barbelés entourant nos coeurs, afin de s’ouvrir à la guérison et à la lumière sans être submergés. 

 L’hiver enlève les distractions et le bruit, et nous présente le temps parfait pour se reposer et se retirer dans la matrice avec amour, apportant chaleur et lumière dans nos coeurs. »

illustration de Jessica Boehman•
•Texte original de Brigit Anna McNeill• •Traduction de Julie Clément•

 

Publication originale

Texte original :

We are approaching the threshold of winter.
Life is being drawn into the earth, painlessly descending down into the very heart of herself. 
And we as natural human animals are being called to do the same, the pull to descend into our bodies, into sleep, darkness and the depths of our own inner caves continually tugging at our marrow. 
But many find the descent into their own body a scary thing indeed, fearing the unmet emotions and past events that they have stored in the dark caves inside themselves, not wanting to face what they have so carefully and unkindly avoided. 
This winter solstice time is no longer celebrated as it once was, with the understanding that this period of descent into our own darkness was so necessary in order to find our light. That true freedom comes from accepting with forgiveness and love what we have been through and vanquishing the hold it has on us, bringing the golden treasure back from the cave of our darker depths.
This is a time of rest and deep reflection, a time to wipe the slate clean as it were and clear out the old so you can walk into spring feeling ready to grow and skip without a dusty mountain on your back & chains around your ankles tied to the caves in your soul. 
A time for the medicine of story, of fire, of nourishment and love.
A period of reconnecting, relearning & reclaiming of what this time means brings winter back to a time of kindness, love, rebirth, peace and unburdening instead of a time of dread, fear, depression and avoidance. 
This modern culture teaches avoidance at a max at this time; alcohol, lights, shopping, overworking, over spending, bad food and consumerism. 
And yet the natural tug to go inwards as nearly all creatures are doing is strong and people are left feeling as if there is something wrong with them, that winter is cruel and leaves them feeling abandoned and afraid. Whereas in actual fact winter is so kind, yes she points us in her quiet soft way towards our inner self, towards the darkness and potential death of what we were, but this journey if held with care is essential.
She is like a strong teacher that asks you to awaken your inner loving elder or therapist, holding yourself with awareness of forgiveness and allowing yourself to grieve, to cry, rage, laugh, & face what we need to face in order to be freed from the jagged bonds we wrapped around our hearts, in order to reach a place of healing & light without going into overwhelm. 
Winter takes away the distractions, the noise and presents us with the perfect time to rest and withdraw into a womb like love, bringing fire & light to our hearth.
Winter takes away the distractions, the noise and presents us with the perfect time to rest and withdraw into a womb like love, bringing fire & light to our hearth.

•illustration by Jessica Boehman•
•words Brigit Anna McNeill•

Illustration de Jessica Broehman

Toussaint et fête des morts

Il y a quelques années la Toussaint était pour moi un jour comme les autres, avec un vague respect pour la tradition, une éventuelle visite familiale au cimetière. Et puis j’ai participé à ma première « Soirée sur les morts » avec Jean-Marc Leclercq. Ce dernier propose cette soirée conviviale chaque année autour du 31 octobre, afin que les invités aient l’occasion de partager librement leurs expériences, visions, rapports avec la mort, parler du deuil, évoquer leurs difficultés, se rappeler les pratiques traditionnelles mises en oeuvre lors d’un décès, et leurs pourquois. Celles et ceux qui le souhaitent peuvent, en fin de la soirée, prier ensemble un instant pour leurs morts.

Cette soirée intime m’a permis de me familiariser avec un thème qui pendant longtemps me mettait mal à l’aise, comme beaucoup d’entre nous. Le sujet est abordé avec tact et douceur, afin que chacun se sente en sécurité et libre de croyances et de pensées. J’ai réalisé au fil de mes années d’exploration intérieure et de rencontres thérapeutiques, que le deuil et les morts traumatiques de la famille et des proches, étaient toujours très présentes dans la vie des vivants, souvent pénibles et lourdes, et que beaucoup ne savent plus comment faire leur deuil et retrouver leur souffle, voire leur envie de vivre. Nous portons tous nos morts dans nos coeurs, et il est essentiel pour notre santé (au sens large) et celle de notre famille, d’être en paix avec la mort.

Cimetière shinto au Japon

Se guérir de la peur de la mort, se sentir en paix avec ses morts, est un chemin extraordinairement riche en enseignements, et avec elle nous touchons au coeur de la vie, du cycle éternel. L’essentiel n’étant pas d’imposer une Vérité sur ce qui se passe après la mort, mais bien d’écouter sincèrement ce qui résonne en soi lorsque l’on pense à notre propre mort ou à un proche décédé, et s’assurer que cette partie de nous est autant que possible détendue et sereine. Cela demande un temps, un moment, pour soi, pour la famille, pour prendre la main à une part de nous, une part de l’autre, qui aurait besoin d’aide. C’est fermer les yeux et respirer ensemble un instant, afin de s’alléger chaque année un peu plus, d’un poids aussi lourd que la perte de l’être aimé était considérable. Une pensée, lorsqu’elle est offerte en pleine conscience et sincérité, peut faire des miracles.

Le rituel proposé, d’inspiration shinto, est simple : « au nord, dresser un petit autel pour prier les morts. Disposer deux bougies en laissant une place au milieu pour y déposer une photographie du ou des défunts (on pourra à défaut y mettre une feuille avec leurs noms). Dans des coupes non métalliques, trois au total, que l’on positionnera à gauche de la bougie de gauche, au centre et à droite de la seconde bougie. Verser de l’eau dans celle de gauche. Déposer des céréales dans celle du milieu et du sel dans la troisième. 

Méthode : 

On allume les bougies.
On se met en position de prière.
On appelle l’âme. On lui envoie des prières, de l’amour, des beaux souvenirs, des images de bonheur.
Ensuite on lui dit au revoir et on lui indique qu’elle doit continuer sa route.
On lui dit au revoir.

On ferme son esprit.
On mouche les bougies.
On claque les mains à hauteur du visage, à gauche, au milieu et à droite. »

Selon le maître de Jean-Marc, Michio Kushi, « faire ce rituel au minimum sur un temps de 7 jours, d’usage, si on réalise ces prières 7×7 jours donc 49 jours, l’âme du défunt retrouve la lumière. »

Cimetière Shinto au Japon, avec une statue de Kannon / Quan Yin, représentant l’amour compassion.

Je vous invite à prendre un moment aujourd’hui pour honorer vos morts, leur souhaiter bon voyage et un repos paisible. Ce peut être en leur apportant une offrande, par exemple une fleur, un voeu de bonheur, une pensée heureuse, tout en profitant du calme d’un cimetière. Je m’étonne chaque année du bien que ça me fait, et des sourires que j’entrevois aux visages de celles et ceux qui prennent le temps de visiter leurs morts au 1er novembre. Ce peut -être aussi un instant chez soi, ou en pleine nature, au détour d’une rêverie, accompagné d’une photo, d’un souvenir. Les enfants aussi sont généralement heureux et rassurés de partager ce moment avec vous. Peut-être même pourront-ils vous aider à vous guérir d’un deuil difficile.

Je vous souhaite que cela vous aide à retrouver une relation saine et respectueuse avec la mort. Elle n’est pas une punition, pour qui apprend à la regarder telle qu’elle est, partie intégrante du cycle de la vie.

Une excellente fête des morts à toutes et à tous

Julie

Crédit photos : Cyril Rouxel

« La Terre est une marmite », par Paul et Lydia Bourguignon

Retrouvez Lydia et Claude Bourguignon en cliquant ici pour le replay de l’émission « On ne parle pas la bouche pleine » d’Alain Kruger sur France Culture.

De la terre vivante au bon goût des choses, les microbiologistes des sols Lydia et Claude Bourguignon mettent les pieds dans le plat, ils manifestent pour une agriculture vivante !

Le modèle de la révolution verte basé sur une approche simpliste du sol et sur une conception industrielle du vivant a rendu l’agriculture polluante, destructrice de l’environnement, productrice de malbouffe et incapable d’assurer la sécurité alimentaire du pays et la survie  de ses agriculteurs. Les citoyens avisés  demandent à l’agriculture d’évoluer en devenant durable, en produisant des aliments de qualité. Les paysans demandent simplement à pouvoir vivre dignement de leur métier. Les politiques ont abandonné depuis trop longtemps l’agriculture à l’agro-industrie, qui produit de la nourriture de qualité médiocre et à bas prix.

L’agriculture durable a deux atouts fondamentaux que l’humanité, hypnotisée qu’elle est par les technologies, a totalement oubliés : premièrement, nous pouvons nous passer de biens industriels, mais pas de nourriture. Deuxièmement, l’agriculture est la seule source durable de richesse des nations.

Si l’industrie transforme la matière, l’agriculture cultive la vie.

Réécoutez maintenant l’émission de France Culture et le travail des Bourguignon pour une terre vivante.

« Faut-il arrêter de manger les animaux ? », une enquête de Benoît Bringer sur France 5

Retrouvez via ce lien le documentaire de Benoît Bringer diffusé sur France 5 dans Le Monde en Face début mars 2018.

« Pour nourrir une population toujours plus nombreuse, le monde s’est lancé dans une course à la productivité frénétique qui engendre une cruauté souvent ignorée à l’encontre des animaux, mais aussi des problèmes sanitaires et environnementaux majeurs. Partout sur la planète, l’élevage industriel fait des ravages. Si la prise de conscience est là, existe-t-il des alternatives ? Benoît Bringer, journaliste d’investigation, part à la rencontre de celles et ceux qui inventent d’autres modes de production, plus respectueux de la nature et des animaux. Il met bout à bout les initiatives concrètes qui fonctionnent déjà et pourraient figurer le mode de consommation de demain. »

Un documentaire à voir, qui aborde la question très actuelle du choix du mode de vie alimentaire, -omnivore, végétarien, vegan, flexivore, piscivore, locavore, paléo, etc -, avec largesse : éthique, bien-être des animaux et des hommes, écologie, économie, abattage… Le débat du pour ou contre la viande dans l’alimentation humaine reste ouvert, alors que les enjeux sont clarifiés et des possibles sont mis en lumière.

Comme le résume la journaliste Marina Carrère d’Encausse, « Nous nous intéressons ici au paradoxe de la viande : 98% des Français estiment qu’il est important de préserver le bien-être des animaux d’élevage, 88% estiment que ce bien-être devrait être protégé, et pourtant devant les étals de viande et de poisson du supermarché, on achète souvent sans se poser de questions. Nous aimons les animaux, mais en même temps nous aimons la viande. »

Bon visionnage